lundi, novembre 26, 2007

Si on tue des faucons crécerelles, on peut être condamné.

Les espèces protégées au niveau national : rappel sommaire de la réglementation

La Convention de Berne définit les espèces devant être protégées au niveau européen.
En complément, les états peuvent prendre des arrêtés protégeant des espèces sur leur territoire.

En France, c'est l'Arrêté du 17 avril 1981 qui a établi les listes des oiseaux protégés sur l'ensemble du territoire: l' article 1 rappelle ainsi la protection de toutes les espèces de rapaces diurnes sous réserve de l'article 4 bis (épervier d'Europe et Autour des Palombes).

Le code de l'environnement a repris dans son article Art. L. 411-1. - I un ancien article (L211-1) du Code rural (issu de la loi du 10 juillet 1976) interdisant
  1. La destruction ou l'enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat (sauf spécimen légalement détenu avant l'interdiction);
On peut trouver ici une étude juridique plus complète.

C'est le moment de citer Montesquieu:

« Une chose n'est pas juste parce qu'elle est loi ; mais elle doit être loi parce qu'elle est juste. »

Toutes les études convergent: le régime des crécerelles se base sur la consommation des petits mammifères, surtout rongeurs. C'est donc un allié de l'agriculteur. Dans le Lot, en France, en 2007, il est donc juste de protéger les faucons crécerelles, comme les autres rapaces diurnes.

Si on les tue on pourra donc être poursuivi.

C'est une histoire vraie qui se situe dans le Lot et qui s'est terminée au tribunal de Cahors le Vendredi 16 Novembre au matin.


Une dame chargée de l'entretien d'une résidence secondaire pendant l'absence de ses propriétaires demande au responsable de l'entreprise travaillant dans le jardin de débarrasser un mur des "bestioles", nichant dans un creux et qui le salissaient de leurs déjections. Les animaux, une nichée de faucons crécerelles, surveillée par le personnel de l'ONCFS, avaient déjà fait l'objet d'un sauvetage quelques jours auparavant.

Au second passage de l'ONCFS, la nichée avait disparu, bastonnée par le jardinier; l'enquête reconstitue l'événement, une procédure de destruction d'espèces protégées est entamée contre les deux personnes responsables qui se rapprochent chacune d'un avocat.

Pour avoir détruit des animaux appartenant à une espèce protégée, deux personnes ont été condamnées à des peines d'amende, au versement d'une indemnité à la partie civile, en l'occurrence ici Lot Nature agréée comme association de protection de la nature, et à la publication du jugement dans les journaux locaux. Pas d'inscription au casier judiciaire.


Auditeur attentif dans les bancs du public avec deux membres du Bureau , voici mes impressions d'audience.

Cette histoire est banale: des animaux sauvages génent l'espèce Homo sapiens qui en réponse détruit ces derniers ...

C'est donc, encore et aussi, une affaire de violence ordinaire, au milieu d'autres affaires plus habituelles de mari qui bat son épouse ou de deux musclés qui s'empoignent. On "régle ses problémes" de façon violente.

Et comme dans les autres affaires, les postures habituelles: le monsieur reconnait qu'il a fait une bêtise et le regrette, la dame fait semblant de ne pas comprendre ce qui lui est reproché; jamais elle ne prononcera le nom d'oiseau, toujours celui de "bestioles". Il y aurait toute une étude à faire sur les significations conscientes ou inconscientes qui se cachent derrière le choix de l'un ou l'autre de ces deux mots par cette dame et par les différents intervenants qui lui succéderont. Détruire une bestiole ou détruire de jeunes oiseaux n'est pas le même acte. Mais détruire un animal protégé est plus grave, c'est une infraction à la loi..

Un des avocats va jouer sur toutes ces nuances; reconstituant à sa manière le meurtre des oiseaux, il plaidera l'excuse d'une reconnaissance hélas trop tardive, post mortem, des jeunes faucons par l'auteur, qui cependant "aime la nature " et la pratique....

Allons, il y en a encore beaucoup de gens comme lui, qui "aiment la nature" dans le Lot ou ailleurs et qui, chaque Samedi et chaque Dimanche, en ce moment, parfois tous les jours si j'en crois mes oreilles, suppriment gaillardement des vies animales avec un tas de bonnes raisons. En principe tout de même, ces gens qui "aiment la nature" à leur manière devraient connaître et surtout reconnaître les animaux qui les entourent, protégés ou non.

Il n' empêche, pour ceux là, le premier réflexe , c'est bien de saisir volontairement une arme, n'importe laquelle et de tuer. Ces têtes de linottes, ces cerveaux ratatinés, dont nous faisons aussi partie, n'ont pas saisi que l'humanité, par ses pratiques journalières, bête par bête, plante par plante, continue de flinguer à grande vitesse la mince pellicule vivante qui entoure la planète en bouleversant ses équilibres.

La fin de l'histoire:

la partie civile a donc vu ses demandes acceptées en partie et repart satisfaite;

à la sortie, une explication courtoise entre le fautif et la partie civile, c'est à dire nous;

une invitation par un tiers à tenir un stand Lot Nature à la fête du chien d'arrêt en mars prochain ;

malgré tout, pas de compte-rendu les jours suivants dans la Dépêche (curieux...).

La morale maintenant: si on a fait un petit pas, nécessaire, vers la modification des attitudes traditionnelles envers la faune sauvage protégée, il n'est pas sûr que ce pas soit encore bien décisif .

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1 Comments:

Blogger éric said...

Encore un exemple de la bétise ordinaire envers ces espèces que l'on croit innombrables... L'Hirondelle a souvent le même sort!!!
Bonne journée.

mardi, novembre 27, 2007 6:06:00 AM  

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