Les sangliers, les chasseurs et le botaniste (part.1)
C'était le programme prévu pour cet après midi.
En fait il s'est passé toute autre chose.
Du théâtre revendicatif de très bonne qualité dramatique, avec une scénographie remarquable.
Spectateur involontaire, j'ai donc suivi le déroulement de l'action avec beaucoup d'intérêt.
En osmose avec les vers de Boileau et la régle des trois unités
- Qu'en un jour, qu'en un lieu, un seul fait accompli
- Tienne jusqu'à la fin le théâtre rempli.
Unité de lieu: la salle de réunion de la Direction Départementale de l'Equipement et de l'Agriculture du Lot, à Cahors. Les participants à cette réunion de la Commission départementale de la chasse et de la faune sauvage, représentants des chasseurs, forestiers, administratifs, policiers de la chasse et votre serviteur, pauvre botaniste, sont assis autour d'une table annulaire ovale, graves et silencieux, concentrés.
- Unité d'action: (j'emprunte à Wikipedia les régles de construction de l'action dramatique)
- Tous les événements doivent être liés et nécessaires.
- Une intrigue principale doit avoir lieu du début à la fin de la pièce.
- Les actions accessoires doivent contribuer à l’action principale.
- L'œuvre ne doit donc contenir qu'une seule intrigue majeure.
- Un groupe de jeunes agriculteurs mâles entre bruyamment dans la salle, à la suite de 4 dépouilles de sangliers, chacune ficelée par les pattes sur un solide baliveau de jeune chêne porté par deux gaillards joliment musclés.
- Un filet de sang , parfois des gouttes isolées matérialisent le tragique trajet.
- Le groupe scande sur l'air des lampions "vous voulez du sanglier, voilà du sanglier".
- Les quatre suidés sont déposés sur le sol au centre de la salle et sur une table libre. L'un d'eux porte une plaie béante à la gorge; il a été "travaillé" vilainement au couteau de chasse.
- Une odeur forte de gibier un peu faisandé, ou de phéromone, une odeur de sanglier quoi, pour faire simple, pénétre la piéce; à la fin, quelques mouches se pointeront timidement. Mais la toison est propre; ils ont du être "karchérisés" pour cette présentation.
Motif exprimé: la population lotoise de sangliers bien trop importante occasionne des dégâts conséquents aux exploitations agricoles , prairies, maïs surtout, parfois légumes ; le reproche est donc fait aux chasseurs de mal réguler les effectifs. Et l'administration locale ne prend pas, parait-il, les mesures administratives efficaces, nécessaires et urgentes pour faciliter le retour à une situation supportable par la profession agricole.
Bref, c'est une sympathique manifestation paysanne pédestre et tonitruante qui est tout bonnement en train de démontrer au petit botaniste amoureux des petites plantouzes et des modestes petites bêtes et au reste de l'assemblée que la chasse au gros gibier peut être parfois la source de repas conviviaux, mais aussi celle de conflits villageois coriaces et qu'il devient nécessaire d' associer dans la "gestion"(vilain mot) des espaces "naturels"ou humanisés les différents titulaires de savoirs théoriques et pratiques sur les êtres vivants exploitant ces habitats.
Deux bonnes heures d'explications franches vont être nécessaires pour clore provisoirement l'action.
Deux heures de nettoyage seront nécessaires aux petites mains modestes, toutes féminines bien sûr, pour frotter et enlever le sang répandu sur des sols heureusement facilement nettoyables.
Moralité: rien ne semble donc fondamentalement changé depuis les séjours et les passages saisonniers des chasseurs-cueilleurs préhistoriques et de leurs familles sur le Causse de Gramat. Il faut toujours tenir les grottes et les abris propres; c'est le rôle des femmes, pendant que les mâles s'étripent.
Libellés : botanique, chasse, environnement, maïs, paysage, sanglier